J'ai cinq ans et pas de truffe, pas d'oreilles, pas de queue, pas de transformation. Juste moi. Un simple humain. Je dois sûrement décevoir ma mère. Elle aurait sûrement préféré avoir un petit loup, histoire de faire perdurer son nom. Mais c'était le risque à prendre de choisir un humain. Je n'avais rien demandé. J'avais beau me concentrer, le souhaiter de toutes mes forces, je ne changeais pas. Mes joues devenaient rouges mais rien de plus. J'étais différent, une espèce de minorité raciale. Une tâche sur le beau tableau.

Ma mère n'avais jamais dit à mon père qu'elle était enceinte. Je ne l'ai jamais connu. J'ai grandi au milieu de la meute en essayant de m’adapter, de suivre leur mode de vie, mais je ressentais toujours ce manque. J'avais besoin de le trouver, de le connaître, de me sentir proche de quelqu'un comme moi. Et je l'ai trouvé. Au fond d'un caniveau, une aiguille dans le bras. C'était une loque et en l'observant bien, je n'avais hérité d'aucun de ses traits et c'était très bien de cette façon. Je n'étais qu'un gosse et j'ai réalisé que ma vraie famille ce n'était pas lui. C'était eux, leurs oreilles douces, leurs truffes humides. A cet instant j'ai fini par accepter ma place. Je pouvais enfin respirer et me sentir chez moi.  

J'ai toujours été différent et j'aimais ça. J'aimais les regards posés sur moi, emplis de curiosité et d'envie. C'était ma façon à moi de me faire remarquer. Les fringues colorés, les cheveux longs, les jean serrés. J'adorais susciter le désir. J'adore toujours ça. Je suis la viande fraîche au milieu des loups. Si on ne me regardait pas, je n'existais pas. Je n'avais rien d'autre de particulier à part mon physique efféminé et je devais jouer la dessus. Je voulais être à la hauteur pour mériter ma place. Alors oui je pouvais être fatiguant, exubérant, collant, mais c'était ma façon de montrer que j'étais là, que je n'étais pas qu'un petit humain sans importance que l'on pouvait croquer à n'importe quelle moment. J'aimais cette famille plus que tout.