Les crampons plein de boue, la nuit était fraiche. Il allait pleuvoir. L'odeur de la pluie venait de loin. Un oeil sur le ciel nuageux, entre les cîmes, Il Nam sortait de la forêt après être allé se laver à la rivière. Trop entouré, il aimait ces moments de calme... Il avait croisé un petit omega qui n'avait pas osé l'approcher, restant docile sur le bord. Aimait-il la discrétion chez un autre loup? Il ne s'avouait pas lui-même, mais il avait des gouts tellement opposés à sa propre nature, de quoi le rendre fou. Mais ce soir, la fatigue ne l'avait pas rendu enclin à la baise, sans quoi il l'aurait bien choppé sur la rive ce petiot. Si immoral... D'un bon, il se hisse en haut de la première maison du hameau de son clan et s'y assoit calmement. Un des angles du toit. Il sort son paquet de clope de son treillis, et s'en allume une doucement. La fumée toxique n'ayant aucun effet sur son organisme. Il lève le nez au ciel, s’embaumant les sens de cette torpeur nocturne, puis le rebaisse pour observer son village, les crampons posés sur le toit solide... ses pupilles se stoppent alors sur une petite silhouette. Il penche la tête et sourit en coin. Yi Sin... ce gamin l'étonnera toujours...

La nuit n'est pas encore avancée, le crépuscule touchant juste à sa fin, mais il sait que cet humain est une exception. Là depuis gosse, une des rares exceptions tolérés de son paternel, ancien chef du clan, il a su survivre parmi eux et aussi trouver son utilité. Il se souvient de quand il prenait de sévères branlées par les hommes de son père pour s'endurcir et que le petit gars venait vers lui, alors qu'il goutait encore la boue sous des blessures importantes... Yi Sin s'était entêté. Il avait résisté et il l'avait soigné, avec toutes les peines du monde. Il Nam n'avait pas particulièrement d'affection pour les humains, les méprisant mais il y avait des exceptions, des spécimens qui se montraient même dignes d'être des loups. Il en avait les prémices moraux en tout cas. A plusieurs reprises , Il Nam s'était demandé s'il ne devrait pas prendre l'initiative de le mordre, mais il ne l'avait pas fait. Si l'humain le désirait, il le dirait. Il ne le connaissait pas pour avoir sa langue dans sa poche quand c'était nécessaire.  

Quelques silhouettes qui avancent. Il les a reconnu. Ces petits cons... Il Nam fume. Il observe. Laissant les cendres s'effriter comme sa noirceur augmenter dans son ventre. Le spectacle qu'il voit ne lui plait pas. Il déteste ce genre de jeu. Un contre un, ça passe, mais ... quatre contre un... et contre un humain qui en plus a fait ses preuves. Il ne peut pas toujours être là pour protéger Yi Sin, il va devoir désigner une personne pour s'en charger, sans quoi l'humain ne passera pas la trentaine. Il regarde le gamin se faire malmener. Sa clope s'écrase lentement sur une tuile. Il se lève, son regard se tentant de noir jusque dans le globe qui perd sa blancheur... Sa peau se veine de bleu foncé, l'ossature de ses pommettes s'élargissant, ses joues se creusant. En silence, il saute du toit et atterrit dans la boue, la pluie commençant doucement à faire son apparition. Silencieux, il s'approche, les mains dans les poches, lourds, le regard meurtrier. Les jeunes loups, trop occupés à traumatiser Yi Sin ne percutent pas qu'une aura va les écraser dans quelques secondes. Au fur et à mesure qu'il avance, tout semble se ralentir autant de lui, comme la proximité qui va leur tomber sur la gueule.

Il arrive juste derrière eux, plus grand, plus lourd, immobile et reste là quelques secondes, jusqu'à ce que l'un d'eux remarque une présence et se retourne d'un coup. Pas le temps de s'enfuir, Il Nam lui choppe la nuque et la tête de son pote en face et les percute l'un à l'autre, avant d'attraper le troisième par le col et de le balancer à une vingtaine de mètres dans un arbre lourd. Ce dernier va s'enfuir, blessé en couinant. Il regarde le quatrième, les crocs sortant, ses mains se noircissants sous des griffes imposantes. "Je ne ... tolère pas la lâcheté dans mon clan." Tout son être gronde. Le delta en face de lui recule. "Si tu fuis, j't'arrache la tête..." L'homme se fige avec la peur au ventre, il a bien l'impression qu'il va mourir d'ailleurs. "on est désolé... on est désolé!" "... tu m'en diras tant... et en plus tu mens... Aucun sens de l'observation. Zero réflexe de défense... de fausses excuses... Petite merde... Tu passeras contre un bêta au prochain combat en fosse." Le delta baisse la tête, conscient du danger encouru. Un des petits omega, au gros gabarit se lève et lui grogne dessus. Il Nam se fige et se retourne vers l'Omega, penchant la tête. Le delta se précipite sur l'omega pour s'excuser pour lui et l'éloigner, ramassant le second. Il les retient ces quatre là, ils vont morfler pour le prochain mois.

Une fois le terrain désert, l'alpha reprend lentement forme humaine et se fait craquer la nuque, fermant les yeux un moment, pour récupérer un peu de contrôle. Après quoi, sans un mot, il se penche et attrape Yi Sin dans ses bras, pour l'emmener. La mère a tout vu et s'incline devant l'alpha, avant de courir ramasser le linge sali.

Quelques minutes plus tard, Il Nam pose l'humain abimé sur le sol du salon de son appart, ferme la porte à clef et va chercher une couverture. Il recouvre un pouf noir énorme prés de son grand mur recouvert de bouquins, et y amène le gamin. Cet endroit peut le connaissent. hormis les bêta qui sont autorisés à venir le déranger dans ses appartements et aussi sa femme. Il pousse ses cheveux pour exposer son visage bleui et se redresse, le détaillant de haut en bas. "Les choses se compliquent pour toi, je crois qu'il est temps qu'on ait une discussion. Règle 1: tout ce qui se dit ici, ou ce que tu vois ici, reste ici. Si tu me trahis, j'te tuerai." Il s'éloigne de Yi Sin pour aller chercher de l'eau. "Où est-ce que tu as mal?"

Le grand loup écoute les paroles hésitantes de la jeune créature, et revient vers lui avec deux serviettes, l'odeur de clope étant encore sur lui, de même que l'humidité de l'extérieur. Calmement, il pose les serviettes sur le coté du pouf, et la bouteille de flotte froide. Il pose ses genoux sur le pouf, qui s'y enfoncent lourdement. Sans lui demander son avis, sa main commence à faire sauter les boutons de sa chemise, et il lui ote par le haut quand elle est assez ouverte, et le haut dessous s'il y  avec. Il jette les hauts au sol et baisse les yeux sur la silhouette blanche et frêle, dont les orbes bleutées commencent à se former. Il se relève et s'éloigne. "Vire ton futal, je reviens." Un ordre non sec, juste un ordre. Il choppe un long tee shirt dans son armoire, qui va probablement descendre jusqu'à mi cuisses de l'humain , mais c'est pas plus mal. Quand il revient , il l'observe sans une réaction aucune , bien que son odeur lui harcèle les hormones, mais c'est Yi Sin. Il y a un code particulier entre eux deux. Il lui doit une protection et le respect pour la dévotion qu'il lui donne depuis des années déjà. Il se fout bien souvent des autres humains, mais ce gamins là... il l'a aidé dans ses débuts quand son père était infernal avec lui et aucun loup ne lui avait tendu la patte. Ce gosse l'avait fait au péril de sa vie. Il avait plus de couilles que certains loups...

"Mets ça..." il lui donne et attend qu'il l'enfile, avant de le faire rassoir. Il n'est pas épais, c'est certain. Sa peau a l'air si fine si fragile. Il se repose au sol, et pousse ses mèches d'une main ferme , pour lui mettre la tête en arrière et le faire s'allonger, observer ses blessures... "Ce qui va leur arriver ne te concerne pas. Que ce soit toi ou un autre, ils auraient agi de la même manière. Il y a des règles et l'humiliation d'un plus faible à plusieurs n'en est pas. Tu n'as pas ton mot à dire. Je suis tolérant avec toi, tu es particulier pour moi et tu le sais, mais veilles à ne pas enfreindre tes privilèges. Quant à ce petit con, s'il meurt au combat, c'est qu'il n'a pas sa place parmi nous. L'honneur se gagne et mon respect aussi. Tant qu'il n'aura pas intégré ça, c'est son problème. "

Il lui pose la serviette humidifiée par la bouteille d'eau sur la moitié du visage et regarde l'intérieur de ses globes oculaires pour vérifier qu'il n'a pas pris de coups bien sévères.  Ça avait l'air d'aller. Il tire un tabouret de cuir et se pose dessus en appui sur les coudes, s'allumant une autre clope, et soupire.

"C'est pas la première fois que ça arrive. Tu n't'es pas trouvé un protecteur depuis le temps? Tu peux m'dire c'que tu veux, tu restes un humain. Un jour, ils vont te tuer, et j'ne pourrai rien faire contre ça. Il faut qu'tu t'en trouves un ou que tu deviennes un loup. J'vois pas d'autres solutions. Et détends toi, j'vais pas t'bouffer. Tu l'sais non depuis l'temps." Il se penche en avant et se frotte la tête, baillant un peu. Il ne dort pas assez ces derniers temps, ses muscles le tirent comme jamais. Et les douches froides qu'ils s'imposent n'aident pas.

 Si frêle et si pâle... comment ces créatures ont-elles fait pour survivre des milliers d'années et pulluler , alors que eux, puissance de la nature n'ont pu que se cacher et les subir. Un mystère cruel qu'ont été les bûcher et autres spécificités de l'histoire qu'il n'aimerait pourtant pas changer. Aussi étrange que cela puisse paraître, il n'avait pas envie d'être l'espèce dominante, bien que son corps entier ne le crie, mais trop de rivaux seraient à envisager s'ils étaient trop nombreux. Ce qu'il veut , c'est exister, avoir le droit de vivre sur cette putain de planète sans être parquer comme un animal. Ils sont juste différents, nécessaires et différents... Il l'a vu rougir. Il le voit à chaque fois rougir. Il en a pris l'habitude. Et puis c'est une des choses qu'il aime chez lui, en plus de cette force dormante dont il a fait preuve quand il le soignait et qu'il n'abandonnait jamais en dépit de son caractère de chiotte.

Ses doigts s'occupent patiemment de ses blessures au visage. Il devra voir avec ses congénères humains. Il Nam n'est pas un exprès là dedans. Il a bien des qualités mais pas celles de soigneur. Il est plutôt de ceux qui envoie les autres se faire soigner au final. "Tu oses poser la question alors que je viens de le faire? Ne prends pas ça pour un acquis, tu dois vraiment te faire violence. T'es un homme plus un gosse. Ils ne vont plus te ménager et j'n'peux pas être derrière chacun d'entre eux. Ils ne comprendraient pas que tu sois à part." Et c'est bien ça qui le désespère parfois. Certains Yazurs manquent de jugeotte et plus encore que sa fougue à lui, elle est maitrisée, sauvage mais maitrisée. La leur n'est qu'un amas bordélique de pseudo sadisme post pubère. " Je choisis pour les gosses, pour les femmes, et tu n'es ni l'un ni l'autre. Fais ce choix toi-même. Tu es depuis assez longtemps dans le clan pour avoir ce droit de passer de notre coté, je sais que tu n'me trahiras pas, tu n'es pas fou. Et quand bien même tu vas commencer en bas, t'y es déjà. Ça ne change pas grande chose." Il replie le linge dans l'autre sens et s'appuie sur un de ses genoux, très sérieux.  "Ne l'étends pas, mais la porte de cet endroit t'es ouverte quand tu veux dorénavant. Si tu veux, appropries toi ce pouf, je n'l'utilise pas. Prends ça pour un genre d'adoption à temps partiel, mais attention, ne me manque pas de respect. Je n'accorde pas ce genre de privilège à n'importe qui. Tu t'attirerais plus d'ennuis qu'autre chose en l'ébruitant et probablement des jalousies qui pourraient te foutre sacrément dans la merde. A toi de savoir si tu veux rester toute ta vie comme ça."